Interview d’Alice Casagrande « Il nous faut impulser au mieux et en profondeur une alliance entre tous les acteurs de la lutte contre les maltraitances. »
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- Mis à jour le vendredi 7 juillet 2023 12:02
A l’occasion du séminaire des directeurs et des membres du conseil d’administration de Cesap, Alice Casagrande, conseillère en charge de la lutte contre les maltraitances auprès de Jean-Christophe Combes, ministre des Solidarités, de l’Autonomie et des personnes handicapées a animé la contribution de Cesap aux Etats Généraux des Maltraitances.
Elle a accepté de nous accorder un moment pour répondre à quelques questions.
- Qui porte ce projet d’Etats Généraux des Maltraitances ?
Le projet est interministériel. Il est porté par le Ministre des Solidarités, de l’Autonomie et des personnes handicapées, Jean-Christophe Combes, mais aussi par Geneviève Darrieussecq, Ministre déléguée aux personnes handicapées.
Nous croyons en l’importance de l’inclusion dans la construction de la politique publique des personnes concernées. C’est pourquoi le comité de pilotage comporte des représentants des publics en situation de vulnérabilité. Ainsi, on y retrouve cinq personnes élues par les instances représentatives des usagers, dans les champs de la lutte contre l’exclusion, du handicap et de l’avancée en âge. La Commission Nationale du Débat Public est également représentée dans ce comité, afin d’effectuer un suivi et conseil méthodologique. Les parlementaires sont représentés par une députée et un sénateur.
- Pourquoi avoir choisi le nom d’ « états généraux », et cette forme de concertation ?
Nous souhaitions adapter notre méthodologie afin d’engager toute la société dans notre travail, puisque la question des maltraitances est multidimensionnelle, fait intervenir de nombreux acteurs, et concerne tout le monde.
Des saisines institutionnelles, par exemple auprès du Conseil National Consultatif des Personnes Handicapées (CNCPH) ont permis de recueillir des contributions de manière officielle. Viennent ensuite des groupes de travail pluridisciplinaires. Le premier porte sur le repérage et l’orientation des victimes et se tourne plutôt vers les ordres professionnels (pharmaciens, notaires…), tandis que l’autre se penche sur la sécurité des personnes, et associe les acteurs de la sécurité sous l’égide du Ministère de Intérieur et du Ministère de la Justice, mais aussi des élus locaux.
Les débats autoportés, enfin, sont ouverts à toute initiative des parties prenantes : personnes concernées, familles, directions, il est nécessaire d’affirmer la légitimité de toutes ces paroles. Nous sommes tous des experts de la lutte contre les maltraitances, nous partageons tous des bouts de connaissance du sujet… et des parties de la solution.
- Combien et quels types de structures ont participé aux Etats Généraux des maltraitances ?
A ce jour, nous décomptons 67 débats autoportés, dont celui de Cesap. Ces débats ont été à l’initiative d’associations de familles ou de personnes concernées, d’établissements (certains EHPAD, foyers de vie, CADA…), d’organisations gestionnaires (Cesap, APF), de Fédérations (Fédération Nationale de la Mutualité), d’espaces institutionnels (Espaces Ethiques Régionaux) ou de Centres Communaux d’Action Sociale.
- Quelles sont les prochaines étapes ? Quelles seraient les réalisations concrètes de ces Etats Généraux ?
A partir du 10 juin, il y aura clôture des débats autoportés et la finalisation des groupes de travail le même mois. Le dernier comité de pilotage se réunit en juillet. Après la restitution des Etats Généraux aux ministres et au grand public le 6 septembre, la stratégie nationale de lutte contre les maltraitances sera lancée à l’automne. C’est une stratégie à différentes échelles, qui comporte des actions impliquant les forces de l’ordre, les magistrats, les gestionnaires, mais aussi les personnes et le grand public…
Par exemple, une action peut consister à construire avec les forces de l’ordre une formation des policiers et des gendarmes pour mieux connaître les personnes concernées. On peut ensuite envisager d’installer une instance départementale de recueil des signalements, comme il en existe pour les mineurs depuis 2007. Autre action possible : l’adaptation des interventions des forces de l’ordre et de l’accueil des personnes en commissariat et en gendarmerie.
- Quel était votre intérêt à animer une session de débat autoporté avec Cesap ?
Cesap est pour nous particulièrement important car ses publics accompagnés sont particulièrement vulnérables. Notre présence répond à un engagement fort de la direction générale et de la gouvernance.
En dehors de cette rencontre entre nos deux volontés, les Etats Généraux des maltraitances portent un objectif de pédagogie et de facilitation. C’était donc tout naturel pour nous de venir animer ce débat. Notre objectif est de rencontrer les acteurs pour travailler à une visibilité et à une alliance, tout particulièrement utile sur un sujet encore délicat à ouvrir.
- Qu’avez-vous pensé des contributions lors du débat de Cesap ?
Les contributions étaient apaisées, c’est le signe d’une institution qui a l’habitude de la prise et de la circulation de la parole.
Je n’ai pas vraiment été surprise par ces contributions. Elles ont par moments confirmé des hypothèses, précisé des intuitions. Cela a incarné l’espoir que nous avions pour ces Etats Généraux : une discussion qui ne soit pas culpabilisante mais responsabilisante.
Nous avons pu voir un esprit de création collective, avec l’émergence de l’idée d’un « violentomètre» constitué par chaque équipe en fonction des risques qu’il identifie, par exemple. Les propositions étaient fortes, car elles associaient l’individuel et le collectif.
J’ai eu l’impression que les participants ne sortaient pas des échanges le cœur lourd, culpabilisés, mais dans un esprit de groupe, avec la conscience d’avoir bien travaillé et que le travail restait ouvert, et je m’en félicite.